Nous connaissons tous le reflex de rechercher nos clés perdues sous le lampadaire, parce que c’est bien éclairé à cet endroit !
Il arrivent même que que des gens très avertis de ce travers méthodologique, s’y laissent aussi prendre. C’est le cas de Jean Staune, dont je viens de lire le dernier ouvrage: Les clés du futur.
Parce qu’il est un penseur multi-disciplinaire et qu’il a un certain recul sur le progrès scientifique, Jean Staune se livre à un exercice de prospective sur le monde de ce nouveau siècle, un peu comme Jeremy Rifkin. Bien qu’il insiste longuement sur les phénomènes de singularité, de chaos, d’effet papillon et de non prévisibilité, il ne se gène pas de faire une simple extrapolation du comportement de quelques minorité actuelles pour définir le comportement dominant avenir.
S’il a raison de critiquer le non-applicabilité de la courbe de Gauss, il use d’extrapolations linéaires….peut être parce qu’il n’a pas de vraie rupture non-linéaire à proposer !
C’est pourtant un observateur averti, comme Jacques Atalli qui a écrit sa préface (très décevante selon moi !), mais pas un Elon Musk qui cherche à construire le futur qu’il désire et qui sera jugé sur ses actes et non sur quelques idées tirées de quotidiens.
Permettez moi de jeter un pavé dans la marre par une lettre ouverte, car je n’ai pas trouvé l’adresse e-mail de Jean Staune. Il est bien entendu le bien venu pour me contacter afin d’approfondir le sujet ou pour corriger ma vision.
C’est un peu un lieu commun de dire que le XXIe siècle est celui de la connaissance, avec la montée en puissance de l’Internet. Mais après, il ne va pas tellement plus loin par cette affirmative, ou plutôt, il part très et trop loin dans des considérations philosophiques et religieuses !
De même, il ne s’agit pas de minimiser l’importance des grandes découvertes en Physique au XXieme siècle, mais concrètement, pour 99,99% des citoyens du monde, quel est l’apport quotidien de grandes théories comme la relativité ou la physique quantique ? Il n’y a bien que nos GPS qui sont légèrement corrigés par les calculs de l’influence de la relativité, mais bien peu de choses autour de nous ont des vitesses proches de celle de la lumière. Il est aussi indéniable au niveau quantique que l’expérience d’Aspect soulève de nombreuses questions dont on pourra dériver pour aboutir à celle de l’existence de Dieu. Mais quand il s’agit de travailler, se nourrir, se vêtir, se loger, se divertir, apprendre tous les jours pour essayer de vivre plus heureux avec ses proches, je ne suis pas certain que ces grandes théories soient d’une très grande utilité pratique. Je pense même que n’ayant rien de particulier à prédire, l’auteur cherche et trouve dans ces découvertes scientifiques des justifications de possibles changements sociétaux qu’il aimerait voir arriver et parce que cela le met proches de brillants esprits historiques. Les scandales de la finances mondiale sont très romanesques c’est vrai, mais n’ont pas eu d’influence (heureusement dirait-on!) sur le panier de la ménagère. Les gens normaux ne jouent pas avec l’argent. Aussi c’est un peu naïf pour ce scientifique d’encenser Bitcoin sans voir qu’il s’agit la du pire outil libertarien ! Jean Staune a visiblement besoin d’un cours de cryptographie asymétrique.
Or d’un point de vue beaucoup plus pragmatique, il y a pourtant des choses à dire sur la société de la connaissance qui s’annonce. Reprenons le raisonnement du partage marchand sous la forme d’un défi. De deux choses l’une:
- soit je ne suis qu’un arnaqueur qui propose une théorie et un système farfelu depuis deux ans et il ne devrait donc pas être difficile pour des esprits plus expérimentés que le mien de démonter scientifiquement mon argumentaire. Ne vous y trompez pas, je leur en serai reconnaissant de me tirer cette épine du pied !
- soit j’ai mis le doigt sur une véritable rupture, en pure sérendipité, mais j’ai encore du mal à la faire comprendre et à la faire diffuser. Autant dire que je ne me sens pas assez fort pour porter cette innovation tout seul et donc toute aide est la bienvenue, de personnalités comme Jean Staune en l’occurrence.
Au départ, il y a le constat que depuis l’Antiquité, le commerce crée toujours une relation 1-1 instantanée et anonyme et cela convient parfaitement à l’échange de biens matériels et de services, biens pour lesquels le coût marginal est important. Si la révolution industrielle à permis par des économies d’échelle, d’utiliser beaucoup de capitaux (d’où le capitalisme !) pour augmenter les marges, les bénéfices d’entreprises toujours plus grosses après fusion, jamais ce coût marginal ainsi réduit n’a été complètement annulé.
Or Internet apporte un immense réservoir de biens immatériels de valeur et pour lesquels le coût marginal reste strictement nul. Ainsi un étudiant génial dans sa chambre peut diffuser à plusieurs milliard de personnes sa dernière création musicale en un instant et sans que cela lui coûte plus d’effort et d’argent que de la faire écouter à ses trois amis.
La première réaction devant cette nouvelle propriété a été de clamer fort que comme le prix d’un produit est proportionné par sa rivalité et son coût marginal, tous les biens immatériels du Net sont et devront rester gratuit ! On a arrive à ce monde des Bisounours où les créateurs se nourrissent seulement d’idées et de point de notoriété et n’ont jamais besoin d’argent, tout le monde partage tout ce qu’il prend aux autres, sans limite et avec plaisir partagé !
Or il n’est pas besoin d’être grand philosophe pour savoir que toute création humaine, matérielle ou immatérielle, mérite sous une forme directe ou indirecte, une rémunération et une reconnaissance légitime.
Certain ont pensé à une version « communiste » avec une licence globale ou contribution créative, imposée à tous et payées par tous et des gentils agents/bénévoles de l’administration qui redistribueraient cet argent au mérite des créateurs…sans trop savoir comment juger que tel artiste A mérite deux fois plus que tel artiste B !
D’autres ont avancé qu’il faudra en passer par un revenu de base. Tout être vivant à droit à un revenu, qu’il soit ou non prolifique et génial dans ses créations.
Mais attendez ! Pourquoi ne pas simplement proposer à la vente directe sur Internet ses propres créations immatérielle, mais avec une vente adaptée au commerce de biens à coût marginal nul ?…une vision a priori numérique libérale et artisanale (la notion d’entreprise n’a plus de sens) mais supportant aussi une politique sociale et solidaire forte; explications:
Très vite, en observant le numérique, on remarque qu’un créateur n’est plus en relation avec un seul acheteur, mais avec une multitude (relation 1-n), désirant effectuer leur achat à des instants différents, mais exigeant de toujours tous payer le même montant pour le même bien (faire comme le voisin, surtout quand la notion de prix d’une œuvre est souvent aléatoire ! ). Il ressort ainsi deux idées simples et très démocratiques:
- plus il y a d’acheteurs du même bien et moins élevé devrait être le prix.
- le revenu du créateur doit être fonction croissante du nombre d’acheteurs (mérite) mais surtout pas proportionnel (abusif). Comme son effort/temps/travail a été fini, non infini, il est logique que son revenu reste fini, donc borné par une limite qu’il se fixe lui même au départ en toute transparence.
On en déduit mathématiquement deux propriétés:
- quand le nombre d’acheteurs tend vers l’infini (quelques millions ou milliards), alors le bien devient gratuit (passage automatique dans le domaine public) et en même temps le créateur a touché le revenu maximal escompté.
- puisque le prix courant du produit décroit dans le temps quand de nouveaux acheteurs se présentent, il y a un mécanisme de remboursement automatique et gratuit (par Internet) vers les anciens acheteurs pour que chacun ait payé à tout instant le même prix.
Le plus incroyable est que ces règles sont contenues dans la petite formule et mise en œuvre par une monnaie dédiée, mondiale (), uniquement par Internet, sécurisée par une signature cryptographique.
S’il y bien un domaine où Internet devrait apporter la gratuité, c’est bien la monétique (transactions financières, micro-remboursements)…qui se sont que des calculs de niveau CM2. Dit autrement, la banque n’est pas un métier d’avenir avec Internet !
Cette nouvelle économie, totalement résistante à la spéculation, est créatrice de ses propres valeurs marchandes sans parasiter les échanges de biens matériels et sans ponctionner sur l’environnement (cela devrait réveiller l’écolo au fond de la salle !). Certains pourront vivre avec plaisir de leur art en vendant leurs œuvres (de qualité) et d’autres pourront dépenser leur revenu pour bénéficier de l’expérience de créations artistiques choisies librement. Toute cette économie est valorisante pour l’homme et n’est pas accessible aux robots, qui devront se contenter de remplacer les ouvriers pour la fabrication de bien matériels….pourquoi devrait-on s’en plaindre !
Les emplois, la croissance attendue de cette économie numérique orientée vers la création de biens immatériels culturels pourraient parfaitement financer une solidarité (chômage) des personnes les moins douées pour la création, et aussi aider le financement de la production des biens vitaux (nourriture, habits, constructions, véhicules) dans le plus grand respect de l’environnement, avec un fort investissement dans des ressources énergétiques renouvelables. Oui, d’une certaine façon, la société devra payer des gens à consommer de la culture toute la journée ! N’ayant plus de travail « classique » à leur offrir, c’est la seule solution de les éloigner de l’oisiveté sans les laisser verser dans le fanatisme religieux. Il faudra surement ajouter un peu de sport et de sexe pour qu’ils ne pensent pas trop à se faire la guerre…
Alors que l’accumulation de biens matériels a des limites intrinsèques (difficile de conduire dix Ferrari en même temps !), et valorise un monde d’arrogance de l' »avoir », la consommation/production de biens immatériels, connaissance ou culture, valorise plutôt un monde de la modestie de l' »être ». On peut hériter en une seconde d’une fortune financière ou d’une infortune de ses parents alors qu’il est plus difficile et plus long d’hériter d’un esprit saint et épanoui.
Promouvoir ce genre d’économie marginaliserait ceux que ont abusé du système actuel (financiers, politiciens, intermédiaires véreux,..). Sans nous mettre à l’abri d’un accident nucléaire/biologique, cela en diminuerait fortement la probabilité.
Je suis volontairement allé vite dans l’explication du Partage Marchand car j’ai la prétention de penser qu’il y quelque chose de réellement utile et urgent derrière ces idées, pour chaque citoyen de notre petite Terre. Je suis disposé à re-expliquer tel ou tel détail si besoin….mon activité sur la start-up pluggle est aussi une autre urgence écologique.
Merci surtout à Internet de rendre cela possible pour les prochaines générations et à me donner la possibilité de m’exprimer sur un blog ou sur des archives ouvertes. Cela ne bouge jamais aussi vite que l’on voudrait ! Quand j’ai proposé le « partage marchand » comme sujet de recherche du programme OH Risque2014 de l’ANR, ces éminents experts m’ont répondu que ma proposition manquait d’antériorité et de soutiens de chercheurs reconnus ! C’est bien connu, satisfaire les caprices de tel vieux professeur de physique quantique qui a trouvé (son thésard plutôt à trouvé !) une nouvelle particule au fond de son labo passe avant la validation d’une proposition économique (de niveau mathématique de première S!) qui toucherait portant en application, la vie quotidienne et pourrait apporter un peu de bonheur à de milliards de personnes…un détail qui ne valait pas les 19k€ demandé dans le programme.
Laurent Fournier, Ph.D.